Il y a 5 ans, j’ai découvert le monde agricole et saisi de manière plus profonde ses enjeux et problématiques internes. Le sujet que j’ai le plus traité avec les acteurs du monde agricole est celui des jeunes et l’agriculture. Dans ce cadre, je cite ici deux questions majeures :
- Comment les jeunes perçoivent les agriculteurs/agricultrices ? Comment les intéresser aux métiers de l’agriculture ?
- Comment mieux communiquer la réalité des métiers de l’agriculture auprès du grand public ?
En s’appuyant sur la richesse de mes liens avec la jeune génération, j’ai décidé d’entamer une analyse du rapport qu’entretiennent les jeunes avec l’agriculture. L’objectif étant de capitaliser sur les leviers de communication et d’action les plus pertinents pour les acteurs du monde agricole.
Ma double casquette de professeure en communication et de directrice conseil en agence a facilité la création d’un pont entre deux réalités : celle des jeunes incompris par moment (des ovnis pour certains) et celle des acteurs du monde agricole avides d’une approche pragmatique. Cette approche est d’une grande agilité qui sert le sens que je donne à mon métier : la connexion des univers éloignés.
Les résultats de mes études étaient passionnants à plusieurs égards. Je vous livre ici quelques uns.
Les 4 axes qui structurent le comportement consommateur
Sans conteste, l’agriculture est devenue aujourd’hui un sujet public qui fascine et qui crée la polémique dans l’espace médiatique et sur les réseaux sociaux.
De son côté, le monde agricole est confronté à plusieurs défis. Il doit notamment réinventer le lien avec les consommateurs. Selon le Credoc, le monde agricole a tardé à s’adapter aux attentes des consommateurs.
Selon le Credoc, 4 grands axes majeurs structurent aujourd’hui le comportement des consommateurs :
- la santé dans laquelle s’inscrit la consommation des produits et aliments,
- l’environnement avec un courant anti-gaspillage,
- le manger local,
- l’éthique.
Sur ce dernier point, les consommateurs exigent plus de transparence et souhaitent donner du sens à leur acte d’achat. Bien évidemment, la crise du Covid a accéléré ces mouvements de fond, mais aussi a révélé des paradoxes chez le consommateur. De ce fait, les acteurs de l’agroalimentaire doivent rester en veille permanente afin de mieux cerner les tendances de consommation.
Aussi, le monde agricole doit éduquer le grand public, informer les consommateurs sur les conditions de production et de fabrication. Par ailleurs, il doit communiquer sur les conditions de travail des agriculteurs.ices ainsi que leur vision de l’avenir des métiers et de la société. Plus que jamais, il est urgent de réduire le fossé entre les représentations de l’opinion publique et la réalité des agriculteurs/agricultrices au quotidien.
Et les jeunes dans tout cela ?
Association Les Agriculteurs ont du Coeur dans laquelle de plus en plus de jeunes s'engagent - Source : twitter @Agrisontducoeur Salon International de l'Agriculture 2022
Les jeunes et l’agriculture : une passion qui se construit
Entre 2018 et 2021, j’ai décidé d’intégrer les jeunes que je forme dans une vaste étude centrée sur le monde agricole, ma volonté était de :
1/ Recueillir la perception des jeunes sur l’agriculture/l’agriculteur.ices avec une approche mixte (une étude quantitative et qualitative) et en s’appuyant sur la consigne suivante :
Quelle est votre perception de l’agriculture / agriculteur.ices ?
Comment abordez-vous la recherche sur ce monde agricole ? Quelles seront vos sources d’information ?
2/ Demander aux jeunes de s’intéresser aux discours des agriculteurs.ices sur les réseaux sociaux notamment Instagram et Twitter.
Mon objectif était de voir les changements éventuels au niveau des perceptions suite à l’exposition à ce type de contenu.
3/ Lister leurs conseils pour mieux communiquer sur le métier/les problématiques de l’agriculture.
L’idée est de changer de posture : et si vous étiez à leur place ? Pourriez-vous leur livrer vos conseils pour susciter l’intérêt des jeunes comme vous ?
La #fêtedesvoisins et #FeteDeLaMusique version agricole @Agridemain @Journeesagri #jna c'est samedi à la maison. Tout un après-midi pour échanger sur vos questionnements sur l'#agriculture et partager un moment de convivialité. #LesCochonaillesDeKarine #Nievre
Les jeunes et l’agriculture : un ensemble de décalages
Au fil de mes échanges, observations et expérimentation, j’ai retenu un ensemble de décalages autour de la question du rapport des jeunes à l’agriculture :
1/ Ils sont passés d’une image de l’agriculteur.ice « dépassé.e/déconnecté.e » à « Agriculteur.ices moderne qui sait exploiter les codes Twitter », et même les codes TIK TOK
Il est donc incontestable que le contenu publié par les agriculteurs.ices a complètement changé le regard des jeunes sur les métiers et les conditions de travail. Il a réussi à intéresser les jeunes au métier et à les faire réfléchir sur la réalité terrain. Notons qu’ils ont relevé l’insuffisance du discours féminin sur les réseaux sociaux. Mais cela est une autre histoire.
Je cite par exemple les comptes Twitter de Stéphane Aurousseau, Vincent Guyot, Michael Jackemin, Patrick Chassac, Sébastien Méry, François Arnoux, Etienne Agri… Certains reprennent les médias et démontent les préjugés ; d’autres filment leur quotidien avec spontanéité, commentent les informations et osent selon les contextes l’humour et empruntent une tonalité décalée.
Nos agriculteurs.ices sont donc les vrais ambassadeurs d’une agriculture authentique avec une tonalité positive qui brisent les stéréotypes. La force de leurs messages résident dans la simplicité, la clarté et l’accessibilité. En effet, nos agriculteur.ices sont les mieux placé.es pour défendre le métier et expliquer avec pédagogie les défis et problématiques actuels. Manger du sens, c’est aussi être capable d’informer et sensibiliser avec pragmatisme les mangeurs.
2/ De la perception d’un métier « pauvre » à une nouvelle perception ; celle d’un métier «riche», «humain», «attachant», bref un métier «passion»
Nos agriculteur.ices ont pris conscience de cette nouvelle exigence : pour que le message touche le grand public, il doit être centré sur l’humain, la passion ! Ainsi, une de mes étudiantes commentait un compte Twitter : « Si je m’abonne à ce compte, c’est pour échanger avec lui en direct sur le métier et avoir de l’information sur le monde agri ». Nos jeunes apprécient les comptes qui permettent de découvrir l’humain. Cela crée de la proximité et de la confiance.
3/ Nous sommes passés de « Mes seules sources d’information sont les médias à une nouvelle source fiable et sincère : le discours terrain ; celui des agriculteur.ices sur les réseaux sociaux »
Cette conclusion résume encore une fois l’indispensable prise de parole des agriculteur.ices sur le digital. Elle est une alternative aux discours portés par d’autres acteurs.
« Certains agriculteurs nous rappellent que ce sont bien eux qui nous nourrissent » et c’est bien pertinent de le rappeler.
Au salon de l’Agriculture à Paris, @agricultrice25 ira à la rencontre des consommateurs « à l’aune d’une table d’hôtes #agridemain où je parlerai de mon métier et de l’emmental » https://estrepublicain.fr/economie/2022/02/24/l-agricultrice-du-doubs-ambassadrice-de-l-emmental-au-salon-de-paris… via @lestrepublicain #SIA2022 @Salondelagri #agricultrice
Avec Lili, une étudiante à La Sorbonne Nouvelle, engagée désormais pour valoriser le monde agricole. Salon Internationale de l’Agriculture 2022.
Les jeunes et l’agriculture : Et après ?
Aujourd’hui, certains de mes jeunes engagé.es à réfléchir sur ces sujets s’épanouissent en faisant le choix des métiers à sens. Hier et à ma grande surprise, je croise Lili, une ancienne étudiante sur le Salon Internationale de l’Agriculture. Elle m’explique qu’elle trouve dans le monde agricole une vocation : celle de valoriser les agriculteurs. Et ce travail de fond doit être mené avec eux : « je veux une carrière avec sens et le déclic, c’était une vidéo que j’ai regardée sur la réalité de l’agriculture. Elle m’a donné l’envie de m’y investir » !
Le virage est bien engagé par le monde agricole et le chemin est encore difficile et long. Ce qui est important à mes yeux est de garder cette authenticité et transparence dans les prises de parole. Il est aussi indispensable de se perfectionner dans la prise en main des outils de communication modernes pour continuer à informer, éduquer, sensibiliser. Notre rôle de communicant.e est de les soutenir, leur faciliter la prise de parole par la mise à disposition d’outils simples et des techniques prêtes à l’emploi. Le contenu est là et il est riche. Toute la question est le diffuser les bons messages sur les bons canaux et avec les formats les plus adaptés.
